Cet article, agrémenté de liens vers des activités du GEP de l’académie de Versailles, se fonde sur les connaissances actuelles en neurosciences et leurs applications dans les processus de mémorisation.
La première partie de l’article sera consacrée aux différentes mémoires, tandis que la seconde partie traitera des principes de base et des conditions propices à la mémorisation, ainsi que des stratégies d’apprentissage efficaces.
Les activités proposées par le GEP soulignent les bénéfices du numérique dans le processus de mémorisation.
Professeur rédacteur
- Céline Marcasuzaa
- Collège François-Mauriac – Houdan (Yvelines)
La mémorisation
Les neurosciences cognitives sont une branche scientifique qui explore les mécanismes complexes du cerveau régissant nos fonctions cognitives telles que la perception, le langage, la mémoire, le raisonnement, l’apprentissage, les émotions et les fonctions exécutives. Parmi les domaines de recherche en neurosciences, la mémorisation joue un rôle essentiel dans notre capacité à acquérir, stocker et récupérer des informations.
Mais, que savons-nous vraiment de la mémoire et de ses limites ? Quelles sont les règles fondamentales et les conditions favorables de la mémorisation ? Comment développer des stratégies efficaces d’apprentissages et de récupération de l’information ?
Que savons-nous vraiment de la mémoire et de ses limites ?
La mémoire n’est pas unique, mais constituée de plusieurs systèmes distincts, chacun sollicitant des régions spécifiques du cerveau en fonction de la nature des informations à traiter.
Chaque type de mémoire possède son propre mode de fonctionnement, ce qui signifie qu’il sera essentiel d’adopter des stratégies d’apprentissage adaptées à chaque contexte scolaire.
La mémoire à long terme
La mémoire à long terme est un espace de stockage durable. On y retrouve tout ce que nous avons appris, nos compétences, nos souvenirs ou encore habitudes.
On distingue quatre principaux sous-systèmes de mémoire plus ou moins mobilisés lors des apprentissages scolaires.
- La mémoire sémantique des connaissances aussi appelée mémoire des significations, permet de stocker des savoirs déclaratifs décontextualisés, des connaissances liées au sens pouvant être exprimées de manière verbale. Par exemple, mémoriser les symboles atomiques, des formules mathématiques relève de la mémoire sémantique.
- La mémoire procédurale des automatismes permet de stocker toutes les procédures et les automatismes cognitifs étudiés au fur et à mesure des apprentissages. L’acquisition de procédures accélère le processus d’exécution et augmente la précision dans tous les domaines, tout en libérant de la capacité cognitive pour la réflexion.
Par exemple la lecture, la conduite du vélo et de la voiture ou encore lever la main pour répondre à une question font appel à la mémoire procédurale.
- Les mémoires perceptives liées aux stimuli venant des organes sensoriels sont la voie d’entrée de toutes les informations reçues sans indication de signification. Par exemple on détecte la forme d’un mot ou on entend un mot sans lui donner de sens.
- La mémoire épisodique rattachée aux souvenirs et aux émotions c’est à dire liés à notre histoire personnelle comme le visage ou le son de la voix d’une personne, ce que m’a dit mon professeur en rendant la copie, ce que j’ai ressenti en recevant ma copie...).
Dans la littérature, ces deux dernières mémoires ne sont pas toujours différenciées. Par ailleurs, bien qu’actives, elles apparaissent moins fondamentales dans les apprentissages scolaires.
La mémoire de travail
La mémoire de travail ou « atelier exécutif » du cerveau est un espace temporaire de stockage et de traitement de l’information.
La mémoire de travail contient tout ce que nous avons présent à l’esprit à un moment donné. Elle intervient dans la compréhension, la planification, la prise de décision, la liaison d’informations, la structuration et l’organisation des étapes d’un raisonnement. Les données d’un calcul, la compréhension d’un document, les informations nécessaires à la résolution d’une tâche complexe sont traitées dans la mémoire de travail.
La mémoire de travail agit comme une interface d’échange entre notre environnement immédiat et les systèmes de mémoire à long terme. Cependant, sa capacité est limitée (on parle d’empan mnésique) et son contenu disparaît rapidement ou peut être remplacé par de nouvelles informations.
Nos mémoires sont en permanence sollicitées et en interactions constantes et complexes.
Quelles sont les règles fondamentales et les conditions favorables de la mémorisation ? Comment développer des stratégies efficaces d’apprentissages et de récupération de l’information ?
La mémorisation des notions est une activité complexe pour les élèves et peut apparaître comme un véritable frein aux apprentissages si des stratégies efficaces ne sont pas mises en place.
Apprendre moins mais mieux
Tout d’abord, pour mémoriser une notion, il est crucial de l’avoir comprise. Mais la compréhension repose sur les connaissances en mémoire. Un élève aura la capacité de mémoriser s’il connaît le sens des mots utilisés, les concepts nécessaires à la compréhension du cours.
Une notion apparaissant vague ou trop large ne pourra pas être mémorisée efficacement, il est conseillé de flécher précisément dans le cours ce qui doit être mémorisé (apprendre les essentiels, moins mais mieux).
La mémorisation active par questionnement
De plus, de nombreuses études reproduites sous des formes variées (différents contenus, disciplines différentes, âge et langue différents des apprenants, différents types de tests) concluent que l’approche de la mémorisation active par le questionnement, même si elle requiert un engagement et une attention accrus, est plus efficace à long terme que la mémorisation passive par simple relecture.
Cela s’explique par la nature prédictive du cerveau. Notre cerveau apprend de manière plus efficace lorsqu’il se pose des questions, émet des hypothèses de réponses et anticipe les résultats probables.
Le questionnement peut prendre diverses formes, telles que les questions à choix multiples (QCM), les questions ouvertes qui demandent à l’apprenant de se souvenir d’informations sur un sujet sans aide ni indication, ou encore des exercices indicés qui requièrent l’analyse de documents et de schémas. Il peut également s’agir d’exercices sollicitant la mise en œuvre des connaissances acquises.
Toutefois, quel que soit le type de questionnement choisi, pour maximiser son efficacité, il est important qu’il soit accompagné de retours d’information (feedback) immédiat. En effet, lorsque la réponse est correcte, le feedback confirme l’apprentissage et la mémorisation de la notion. En cas d’erreur, il devient un levier d’apprentissage, offrant à l’élève l’opportunité de corriger sa compréhension et d’ajuster sa trace en mémoire.
Exemple d’une activité avec mise en application des feedback
La réactivation
Mais, malgré des conditions d’apprentissage favorables à la mémorisation, un seul apprentissage ne suffit pas et l’oubli, phénomène naturel inéluctable, perturbe rapidement les apprentissages. Les contenus de notre mémoire ne sont pas inaltérables : ils s’estompent, se modifient ou deviennent difficiles d’accès avec le temps en raison de la plasticité de notre cerveau.
Lors d’un premier apprentissage, nos neurones se reconfigurent en nouveaux réseaux. Cependant, les liaisons synaptiques créées sont fragiles. Si elles ne sont pas stimulées, elles se déconnectent progressivement du réseau de neurones nouvellement constitué pour se connecter à un autre réseau. Il est donc essentiel de consolider ces liaisons.
Cette consolidation, ou rappel en mémoire, appelée, réactivation, doit débuter très rapidement après le premier apprentissage selon des modalités différentes en fonction du type de mémoire sollicitée :
- Pour mémoriser des savoirs et des connaissances en mémoire sémantique, il est recommandé d’utiliser la technique des reprises à rythme expansé. Cette méthode consiste à réviser le contenu à des intervalles de plus en plus espacés dans le temps. En général, 3 à 8 reprises expansées bien réalisées peuvent suffire.
Pour ces reprises expansées, on pourra réutiliser les techniques de mémorisation active vues précédemment en procédant à des rappels par reconnaissance, indicés ou libres (questions ouvertes).
Pour cela, on peut utiliser des fiches mémo, des applications numériques pour créer des flashcard ( wooflash, flipitty, digiflashcard, anki,…) ou encore des quiz (Elea, wooflash, socrative, kahoot, digistorm, plickers, QCMcam,...).
Mais attention à ne pas se limiter aux rappels par reconnaissance, avec des réponses à choisir parmi plusieurs propositions (QCM). En effet, un élève peut reconnaître une réponse sans l’avoir réellement mémorisée, dans ce cas, il serait incapable de se la rappeler lors d’un exercice.
Exemples d’activités de mises en application
Mémorisation avec les flashcard flipitty crées par les élèves
Utiliser une banque de questions dans Elea
- Pour l’apprentissage de savoir-faire et de compétences faisant appel à la mémoire procédurale des automatismes il sera nécessaire de procéder à des reprises très nombreuses et répétées dans le temps à intervalle court. Ainsi, l’acquisition de mécanismes de base totalement automatisés c’est-à-dire qu’on exécute sans réflexion (manipuler des chiffres et des nombres dans des opérations, effectuer des conversions, l’utilisation d’une formule et techniques mathématiques, techniques expérimentales...), permettra de libérer la mémoire de travail.
Exemples d’activités de mises en application
Préparation de solutions aqueuses par dissolution et par dilution
Nomenclature des molécules organiques
La constitution d’un atome
Il convient de noter que de nombreux savoir-faire, par exemple la construction d’un graphique, un dosage acide base ou par conductimétrie, le branchement d’un multimètre…, ne sont pas automatisés principalement en raison du manque de temps pour des réactivations efficaces. Dans cette situation, ils sont acquis sémantiquement : les élèves “savent” comment procéder et suivent une procédure mémorisée, mais cela s’avère coûteux et non automatisé. Concrètement, il est essentiel d’identifier les savoir-faire qui peuvent être automatisés, car nous offrirons aux élèves de multiples occasions de pratique, régulières et répétées. Quant à ceux qui ne seront pas automatisés en raison d’un manque de pratique, il sera nécessaire de soutenir leur mémorisation en utilisant des pratiques associées à la mémoire sémantique, afin que les élèves puissent “savoir” comment procéder, même si cela requiert des efforts considérables.
Bibliographie
Apprendre à mieux mémoriser – Jean Luc BERTHIER – Frédéric GUILLERAY
Les neurosciences cognitives dans la classe – Jean Luc BERTHIER – Grégoire BORST – Mickaël DESNOS, Frédéric GUILLERAY
Parcours M@gistère :
Sciences cognitives de l’apprentissage - les sciences cognitives dans l’école
Sciences cognitives de l’apprentissage - le cerveau de l’élève en action
Sciences cognitives de l’apprentissage - mémoire et mémorisation
Apprendre à mémoriser (apports et pratiques)
Fun-MOOC – La psychologie pour les enseignants -Franck RAMUS